La Nationalité Acadienne et son Drapeau.

Year
1889
Month
11
Day
21
Article Title
La Nationalité Acadienne et son Drapeau.
Author
Lucius
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
La Nationalité Acadienne et son Drapeau. IV L’étendard de la France révolutionnaire est aussi acceptable à la monarchie voltairienne et maçonique, qu’il est à la république athée. C’est pour cela que le franc-maçon, Louis-Philippe, le roi de la révolution de 1830, révolution calquée et modelée sur la première, la grande révolution française, accepta très volontiers le drapeau aux trois couleurs. Cet autre franc-maçon qui au-dessous de Waterloo, inscrivit Sédan dans les plis du drapeau tricolore n’en voulut pas d’autre. Aucun franc-maçon français ne voudrait d’autre étendard que celui de la Liberté-Egalité-Fraternité. Pour des raisons tout aussi bonnes, le geôlier des papes, l’auteur de l’assassinat du duc d’Enghien au fossé de Vincennes, le fléau de l’Europe, celui qui ne tirait l’épée que pour tailler des royaumes aux membres de sa famille, ne fit pas difficulté d’adopter le drapeau tricolore et d’y attacher son écusson. Dans son livre : Terribles Châtiments des Révolutionnaires, le R. P. Huguet cite les lignes suivantes du Mémorial de la Révolution Française, au sujet du héros de Waterloo : -- Le 2 juillet 1796, Bonaparte enlève une partie des domaines et treize millions appartenant au Saint-Siège. Le 22 septembre 1798, Bonaparte, parti pour l’Egypte le 19 mai précédent, célèbre au Caire l’anniversaire de la fondation de la République, une, indivisible et impérissable. Le bonnet de la Liberté, le croissant de Mahomet, les Droits de l’Homme et l’Alcoran, placée, dit-on, sur la même table, sont un des ornements de cette fête. Pour les principes, et pour bien des actes aussi, la France d’aujourd’hui vaut ce que valait la France de ’89 et de ’93, et le drapeau qu’elle s’est choisi alors lui convient encore parfaitement. Il y a à peine un an que, à Paris, on élevait une statue à Danton, un des monstres enfantés et dévorés par la grande Révolution. Un ministre du gouvernement, M. Lockroy, présidait à l’inauguration de ce monument, et, au nom du gouvernement, prononça ces paroles : “C’est un devoir pour le gouvernement de la République de présider à cette fête où l’on célèbre la gloire d’un de ces révolutionnaires qui ont à jamais affranchi la nation . . . . . .” Quel a été le vrai mobile, le grand ressort de la Révolution française? La franc-maçonnerie. Il y a des documents qui prouvent que la Révolution française, y compris l’assassinat de Louis XVI avec toutes ses horreurs, avait été décidée, décrétée et préparée dans les loges maçonniques plusieurs années avant les événements. Eh bien, la France officielle de 1889 est tout autant, sinon plus, sous la domination de la franc-maçonnerie qu’elle l’était il y a cent ans, -- et il y a sa servitude à la juiverie en plus. Sur les 89 préfets des départements de la France, on compte actuellement 62 Juifs! Les fameux principes de 89 sont passés dans les lois, dans les mœurs, dans les habitudes de la France républicaine d’aujourd’hui. Le gouvernement qui persécute les religieux, qui tient tout le clergé sous un sceptre de fer, qui crie : le cléricalisme, voilà l’ennemie, ne vaut-il pas l’Assemblée qui a élaboré la Constitution civile du clergé? La France, fermentée par le levain de la philosophie de Voltaire et de l’auteur de l’Emile, n’est-elle pas l’héritière de celle qui a proclamé les Droits de l’Homme? *** La France du drapeau tricolore est vraiment un sujet de honte et d’opprobre pour l’Europe chrétienne. Son républicanisme athée révolte les nations qui l’entourent, lesquelles gardent au moins un fond de christianisme. Aucune des nations européennes n’a voulu prendre part officiellement au centenaire de 1789 : -- “Elles n’auraient pas eu de répugnance à le faire, dit Mgr Freppel, s’il ne s’était agi que de rendre homage aux reformes civiles, politiques et sociales dont la royauté avait pris l’initiative. . . . Mais c’est la Révolution que l’on entend glorifier, la déchristianisation de l’Etat, l’athéisme appliqué à l’ordre social. Voilà ce qui s’enlève la conscience publique de l’Europe entière, sauf les clubs révolutionnaires et les sociétés secrètes.” Un journal de Montréal, rédigé par un Français, osa émettre la proposition que la province de Quebec prit part au centenaire de 1789. Cette proposition n’eut d’autre effet que de soulever l’indignation de la presse canadienne-française. Pauvre France! quand reprendra-t-elle sa place d’honneur parmi les nations? La république athée qu’elle subit l’avillit aux yeux de tous les peuples. Il n’y a pas jusqu’à sa franc-maçonnerie qui ne se trouve isolée des autres branches de cette institution. L’ordre maçonnique en Angleterre refuse l’affiliation avec celui de la France, parceque ce dernier prend pour point de départ l’athéisme. “Ce pays est encore le plus beau, disait l’honorable M. Chapleau, en parlant de la France, au retour de son dernier voyage en Europe, “Ce pays est encore le plus beau, mais il n’est plus le plus grand et le plus glorieux : sa grandeur et sa gloire sont disparues avec sa foi, comme ces pays condamnés dont Tacite disait : Les Dieux sont partis. Sa politique, qui jadis gouvernait l’Europe, ne soulève aujourd’hui que le mépris de ses bons citoyens et le dérision des nations étrangères.” Et son drapeau? . . . . . . “Messieurs d’origine anglaise,” disait récemment à son tour M. Laurier, en parlant des mesures iniques adoptées par le gouvernement français contre les princes et les religieux, “je n’ai que du sang français dans les veines : eh bien, laissez-moi vous dire que j’ai honte du pays de mes ancêtres.” Et nous, Acadiens français, nous n’aurions pas honte aussi du pays de nos ancêtres, et de son drapeau! L’acadie française, toujours fidèle à la foi de la vieille France, pourrait-elle, sans se déshonorer, fraterniser avec la France, […]-chrétienne, la France marquée au front du chiffre 1789, la France qui chante la Marseillaise, la France qui ostracise les vrais français quand elle n’ose pas les tuer, en criant toujours : Liberté-Egalité-Fraternité! Et n’est-ce pas fraterniser avec elle et plus que fraterniser avec elle, que d’adopter sa bannière en y opposant le sceau de notre nationalité? Le drapeau blanc et le drapeau bleu seraient à jamais déshonorés s’ils se trouvaient entachés de la millionième partie des iniquités de la France révolutionnaire, -- et le drapeau tricolore aussi, s’il avait jamais été honorable! Son origine et sa destination rendent à son égard le déshonneur impossible. La guillotine serait-elle susceptible d’être déshonorée? Les reproches bien mérités que fait M. Maynard au duc d’Aumale, et que nous lisions dans le COURRIER de la semaine dernière, s’adresseraient également au Comte de Paris, son neveu et petit-fils de Louis-Philippe, si véritablement il avait, lui aussi, déserté le drapeau de la “France heureuse et respectée,” pour adopter “l’étendard de la Révolution.” Il est vrai que le vaisseau qui le conduisait en exil portait le pavillion tricolore, mais le drapeau blanc y flottait aussi. Le numéro de lundi, 5 juillet 1886, du Moniteur de Paris, que j’ai dans ce moment sous les yeux, dit qu’en cette circonstance “le drapeau de la monarchie était fièrement déployé en face de celui de la République.” La partie saine de la France, tout ce qui reste de la France chrétienne, de la France heureuse et respectée, appelle le drapeau blanc. Pour ce qui est de la nationalité acadienne, je persiste dans l’opinion qu’un drapeau qui serait l’indice de relations particulières entre elle et n’importe quelle nation ou parti en dehors de notre patrie d’adoption, ne saurait lui convenir. Pour les raisons alléguées dans mes autres communications, j’ose dire que le drapeau bleu s’impose de lui-même à notre choix. Sa couleur est sa sanction. C’est la couleur qu’appellent Notre-Dame de l’Assomption et la Maris Stella. Que la couleur de la ceinture de la Vierge de Lourdes, ne flotte pas seulement au-dessus de nos têtes; qu’elle se voit aussi le jour de notre fête sur quelque partie de notre vêtement. L’adoption du drapeau bleu a déjà été suggérée d’une manière plus positive qu’il ne peut l’être par la voie d’un journal. Au 15 août, à la Grand’Anse, flottait avec les autres drapeaux un drapeau bleu marqué au sceau de notre nationalité. Le même drapeau fut arboré aussi à la belle fête du 28 août à Paquetville. J’ose espérer qu’il flottera avant longtemps sur tous les points de l’Acadie. LUCIUS.