A notre secours

Year
1892
Month
9
Day
22
Article Title
A notre secours
Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
A NOTRE SECOURS L’agitation inaugurée par le COURRIER lors de la question de la nomination d’une juge catholique n’a pas passé inaperçue. Le son de trompette donné par nous, n’a pas été vain, et l’indignation légitime causée par la conduite déplorable et honteuse des députés, élus par le vote acadien, vis-à-vis notre petit peuple, vient de porter fruit. Le Moniteur Acadien a été le premier des journaux politiques à mettre de côté, pour le moment, ses penchants de parti pour seconder les efforts du COURRIER dans une lutte qui ne pouvait qu’avoir un résultat heureux pour la population acadienne. Notre confrère de Shédiac, qui a toujours été un chaud partisan du parti conservateur, n’a pas reculé devant la tâche que lui indiquait le devoir du moment; il mérite certainement nos félicitations. L’Evangéline, elle aussi n’a pas manqué de se faire entendre dans la lutte présente qui se livre pour la revendication des droits français. Dès le commencement de cette agitation le COURRIER a été la victime des intrigues les plus noires de la part des amis des personnes qui formaient le sujet de ses attaques. Voyant que leurs tactiques et leur duplicité allaient être placées d’une manière claire devant le public, ils n’ont pas hésité à faire usage des engins de guerre disponibles, on a eu recours aux calomnies et aux mensonges afin de détruire l’influence que notre journal pourrait avoir parmi notre peuple, mais en vain. Il fallait que la vérité vint à triompher et aujourd’hui nous avons le plaisir de constater que les trois journaux acadiens sont unanimes et s’appuient l’un à l’autre, dans la demande faite pour la reconnaissance des droits trop longtemps méconnus de nos compatriotes. MM. Burns et Adams, les adversaires invétérés de notre cause, ont pu pour le moment, faire croire aux personnes plus justes qu’eux mais moins éclairées sur la demande en question, que le Rédacteur du COURRIER ne leur livrait la guerre que par vengeance, et que nos accusations contre eux n’étaient aucunement fondées. Mais aujourd’hui, la scène est changée, le COURRIER n’est pas seul dans le combat contre ces messieurs et leurs champions. L’union dans une cause commune et louable des trois journaux français des provinces maritimes doit être plus que suffisante pour démontrer au public intelligent quelles Acadiens ont de justes raisons de se plaindre de la conduite des députés à qui ils ont follement confié leur représentation. L’agitation ainsi mise sur pied ne s’est pas borné aux provinces maritimes, car voilà que les journaux canadiens arrivent à la rescousse et nous promettent main forte dans la cause que nous défendons. La Minerve, organe puissant du parti conservateur de la province de Québec, arrive à une heure très propice pour renforcer les rangs de la petite armée qui combat, pour ce qui est le plus cher au cœur humain : la justice entre les hommes. Nous sommes convaincu que lorsque notre position sera bien comprise par nos confrères du Canada, ils ne seront pas lents à nous donner l’aide que nous aurions dû recevoir avant aujourd’hui et qui nous serait arrivée plus tôt si les Acadiens, eux-mêmes, avaient fait preuve de plus d’indépendance par le passé. Nous demandons à nos lecteurs de suivre avec attention l’article de la Minerve : Un Acadien qui joue un rôle important au Nouveau-Brunswick, nous écrit une lettre que l’on trouvera plus loin, au sujet de la nomination qui devra être faite prochainement du successeur de sir Leonard Tilley comme lieutenant-gouverneur de cette province. LA MINERVE aurait été heureuse du choix de l’honorable Peter Mitchell qui malgré toutes ses fautes a rendu à la Confédération, dont il est l’un des pères, et au département de la marine et des pêcheries dont il est le véritable créateur, des services que nous ne saurions oublier. Mais, comme le dit notre correspondant, il est possible que la députation conservatrice du Nouveau-Brunswick ne soit pas prête à pousser la magnanimité jusqu’au point de le recommander. Aux vainqueurs les dépouilles. L’on voit, d’après cette lettre, que les catholiques s’agitent pour faire nommer l’un des leurs. Parmi les Irlandais, il est question de MM. Burns et Adams, et parmi les Acadiens, de l’honorable juge Landry. Ceux-ci ne veulent, paraît-il, ni de. M. Burns ni de M. Adams, qu’ils disent infectés du terrible mal dont ils ont tant souffert : la francophobie. Nous ignorons la valeur de tous les griefs des Acadiens contre ces messieurs, mais ils montrent combien les hommes publics, qui aspirent aux honneurs de leur pays ou de leur province, ont tort de devenir les impossibilités en froissant des sentiments de race qu’il est toujours bon de respecter. Les acadiens forment le sixième de la population totale du Nouveau-Brunswick, et jouent maintenant un rôle considérable dans les comtés de Victoria, Restigouche, Gloucester, Northumberland, Kent et Westmorland. Il nous intéresse d’autant plus que la grande masse est conservatrice. Avec tout cela ils n’élisent qu’un représentant aux Communes – et ce représentant, le respecté Dr. Léger, vient de descendre prématurement dans la tombe. S’ils n’ont pas plus d’influence, ils doivent s’en prendre surtout à eux-mêmes, car il leur serait facile, avec une direction intelligente et une forte organisation, d’augmenter leur représentation. Les Acadiens doivent avoir aujourd’hui parmi eux assez d’hommes capables pour défendre leurs intérêts sans être obligé d’emprunter aux autres races. Celles-ci ne leur rendront pas le change; ils peuvent en être sûrs. L’un des leurs sera-t-il fait lieutenant-gouverneur? Nous l’ignorons. Ce serait sans doute un grand acte de répatriation qui ferait relever la tête à toute la race acadienne. Elle aurait d’autant plus raison d’être fière du compliment que son candidat, l’honorable juge Landry, ne le cède à aucun autre pour le savoir, la dignité, l’intégrité, l’esprit de modération et de justice, qui lui ont valu depuis beaucoup d’années une population solide appuyée sur l’estime générale. Ce qui est différé n’est souvent pas perdu; mais si les Acadiens veulent connaître de meilleurs jours, hâter l’heure définitive du relèvement, qu’ils s’organisent, qu’ils s’unissent, qu’ils marchent vers un but commun. Il n’est pas de francophobie, si aigue qu’elle soit, qui puisse résister à une pareille force. Ceci tuera cela. Nous l’avons déjà dit, et nous le répétons : il est très regrettable que l’harmonie qui existait entre les Irlandais et les Français catholiques en question de politiques ne règne plus. Les Acadiens ne peuvent être tenus responsables de cet état de choses. Les organes de ces derniers n’ont-ils pas à mainte reprises averti les représentants irlandais de l’injustice qui leur était faite, nos hommes publics n’ont-ils pas, temps sans nombre, averti nos frères irlandais que leur conduit envers nous devenait de jour en jour des plus intolérables. Ils recevaient de nous leur puissance et ils en ont fait usage pour nous écraser, pour nous ostraciser, pour ainsi dire, de la vie publique. La francophobie des MM. Burns, Adams, etc., ne connaissait aucune limite et il en est résulté que le peuple qu’ils ont voulu écraser, devenu las de leur mépris de confiance et des nombreuses insultes qu’ils lui lançaient à la figure, s’est révolté contre un régime intolérable et fanatique. L’heure du remord doit leur arriver bien vite, car nos compatriotes tiennent le fouet entre les mains et nous serons bien trompé si, aux prochaines élections, ils ne donnent une prevue concluante qu’ils ne sont pas des esclaves, qu’ils peuvent trouver parmi les leurs des hommes doués d’un esprit de justice plus large que celui des messieurs qui ont joui trop longtemps de leur confiance. Nous ne demandons que la justice et si nous ne pouvons l’obtenir au moyen des supplications nous la prendrons au moyen du scrutin et du pouvoir que nous possédons comme nationalité. La mesure est pleine et il est temps de nous débarrasser des personnes qui n’ont pour nous que la trahison pure et simple.