Les acadiens Louisianais

Year
1891
Month
7
Day
9
Article Title
Les acadiens Louisianais
Author
J. Gentil
Page Number
1
Article Type
Language
Article Contents
LES ACADIENS LOUISIANAIS M. J. Gentil, poète français établi en Louisiane depuis près de trente ans, vient de consacrer aux Acadiens de cet Etat, connus sous les noms corrompus de Cadiens ou Habitants ou Bitacos, un article auquel nous faisons l'emprunt suivant : “Si nous ne voulons pas faire ici l’histoire des Acadiens, -- Acadiens que nous aimons comme on aime sa race, sa famille, ses parents, ses frères, ceux qu’on retrouve à la même origine, au même berceau et dans la même classe – qu’il nous soit permis de dire ceci à ceux qui écrivent sur eux, à ceux qui s’intéressent à eux, à ceux qui recueillent, par curiosité ou par sympathie, leurs dernières paroles, les mots de leur patois disparu ou de leur dialecte singulier qui sont pour la plupart les mots de la vieille et naïve langue française du XVIème siècle : “Savez-vous, messieurs, pourquoi les Acadiens furent les meilleurs entre les colons de la Louisiane, pour ne pas dire les meilleurs de tous, et pourquoi nous ne devons pas, quand nous écrivons leur histoire, nous étonner de leur simplicité native, de leur honnêteté insurpassable, de leur foi, de leur piété, de leur courage, de leur énergie de pionniers comme aussi de leurs œuvres au temps où l’esclavage des noirs n’avait pas encore marqué ce pays pour une épreuve qui dure encore? “Ce n’est pas seulement parce qu’ils étaient de bonne race, ni parce que leur séjour et leur héroïque existence en Acadie les avaient rendus forts et bons, mais encore parce qu’ils étaient avant tout, par l’origine, par la condition et par les mœurs, ce qu’on appelle des paysans, c’est à dire des hommes du pays, du sol et de la terre. “Ils ne vouaient point des villes. Ils n’en avaient ni la langue ni des mœurs. Ils n’en connaissaient pas les métiers et les vices. Leur outil était la houe. S’approprier un morceau de terre, le défricher, le cultiver, l’ensemencer, l’embellir, y planter des arbres, y bâtir une maison, y élever la famille dans le travail, dans l’honneur, dans le respect à l’autorité paternelle, près de l’église du baptême, du mariage et du cimetière bénit -- église moins rude et moins sévère que celle du puritain, mais plus humaine et plus vivante, plus fleurie et plus joyeuse aux jours de fête, où le prêtre était un ami, un père, un brave homme aimant tout le monde et aimé de tous, sans être grand théologien -- tel était leur rêve, et telle fut leur ambition. “Car ils étaient paysans là bas. Et ils aimaient la terre qu’il faut aimer, qui seule est généreuse, qui seule convient à la famille, dont l’amour ne trompe point, ne trahit pas et ne souille jamais, -- la terre qui a toutes les vertus du travail, du soin, de l’ordre, de l’économie, de la probité, de l’hospitalité, de la vérité et de la croyance, -- la terre qui est et doit être une religion intime, profonde, constante, héroïque et sacrée sans laquelle ou en dehors de laquelle il ne peut pas y avoir de religion véritable et respectable, de l’homme à Dieu, du travailleur au créateur. La terre prouve Dieu, autant que le ciel, sinon plus. En tout cas, c’est là que l’homme est le contre-maître de Dieu. “Voilà pourquoi le paysan, l’homme du pays, avec son amour pour la terre, son amour de Gaulois encore plus que de Français, son amour si constant et si dévoué qui a fait de la France un admirable jardin où vit l’esprit admirable nation, est le premier homme devant Dieu. Les Acadiens furent des paysans. J. GENTIL