Trosième année

Newspaper
Year
1889
Month
11
Day
20
Article Title
Trosième année
Author
-----------
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
TROISIEME ANNÉE L’EVANGÉLINE entre avec le présent numéro dans sa troisième année d’existence. Née au milieu de circonstances difficiles, sous un soleil où jusqu’alors le journalisme français n’avait vu le jour au matin que pour mourir le soir, L’EVANGÉLINE a vaincu bien des difficultés, triomphé d’autant de préjugés: elle s’est assise, en un mot, sur des bases qui lui permettent désormais de contempler l’avenir avec moins de perplexités, et certainement avec plus de confiance * * * Le journalisme acadien n’est plus une utopie: le temps et les circonstances ont prouvé que nos compatriotes français avaient sinon la fortune, du moins assez de patriotisme pour soutenir une telle institution. Seule dans la Nouvelle-Ecosse, où les descendants de Poutrincourt se chiffrent au nombre de 45,000, l’avenir de L’EVANGÉLINE parait assuré. En effet, les deux premières années de son existence sont un gage encourageant du succès de sa mission et de sa durée. Le patriotisme des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse n’est pas mort au milieu de la tourmente de 1755 et des années suivantes, mais doué de la vitalité que donne quelques fois les grandes infortunes, il est peut-être plus noble, plus fort et plus courageux que jamais. Non-seulement les Acadiens ont du goût pour la lecture comme les peuples qui commencent à croître sous le soleil de la civilisation, ils aiment aussi l’instruction et participent selon leurs moyens pécuniaires dans tout mouvement soulevé en vue de la promotion des choses de l’intelligence. Depuis quelque temps surtout, ce fait se révèle d’une manière plus saillante. Quelques patriotes aux vues larges ont proposé la construction d’une académie, et sur l’heure pour ainsi dire, le projet a été unanimement approuvé et cordialement secondé. Les souscriptions grossissent et bientôt les Acadiens du territoire de Clare verront parmi eux un tributaire du grand fleuve de la science et de la lumière. En attendant, le fond de construction établi en faveur du Monument Sigogne élargit ses proportions sous l’influence du zèle, de l’amour, de la religion et du patriotisme. * * * Mais de ce que les choses sont bien commencées il ne suit pas qu’il ne faille pas accélérer le mouvement. C’est quand les choses sont bien parties qu’il faut redoubler de courage pour empêcher que les chaînes de nos projets ne se rompent, et pour ainsi pousser plus étroitement unis vers le grand oeuvre de la destinée nationale. L’union fait la force, et pour triompher de l’ennemi du dehors, l’union est nécessaire aux Acadiens en quelque lieu qu’ils soient. La division leur serait funeste, plus qu’elle ne l’a été aux autres peuples peut-être. Ils doivent donc concentrer leurs efforts, se donner la main dans toutes les affaires difficiles qui les intéressent. Leur concours unanime est surtout nécessaire dans la grande question du maintien de leurs institutions, de celles qui ne peuvent durer sans leur amour propre national. Parmi ces institutions, le journalisme n’est pas à l’arrière plan. C’est le lion de bataille qu’il convient de favoriser, quitte à la nation de l’écraser après s’il manque à sa glorieuse mission. La mission du journalisme en Acadie est la même que dans tous les pays français. Un écrivain canadien l’a ainsi définie:—“Le journal est l’arme à précision du XIX siècle. L’employer pour les fins de la justice, pour le triomphe des principes, pour l’honneur d’un peuple, pour le réveil d’une nation, c’est faire servir l’un des plus beaux dons d’en-Haut à la plus noble des causes.” Jusqu’ici L’EVANGÉLINE n’a pas eu souvent à défendre la question des principes, mais quand il s’est agi des questions de justice, elle ne s’est pas fait prier pour prêter son humble concours aux soldats de la patrie. Elle a souvent fait appel au patriotisme des Acadiens du pays et d’ailleurs, et par là elle a accompli un devoir que lui imposait une partie de son programme. Sans toujours crier Seigneur, Seigneur! L’EVANGÉLINE n’a pas que nous sachions, forfait délibérément à la religion, et n’a pas prêché à ses lecteurs, dans sa colonne officielle du moins, des doctrines tant soit peu paradoxales. Respectant toutes les croyances sincères sans les partager, elle s’est tenue respectueusement dans les limites d’une sage prudence, et c’est peut-être à cette attitude qu’elle doit en grande partie sa belle liste d’abonnés où nous lisons au-delà de 2,000 noms acadiens et autres. * * * L’EVANGÉLINE entre donc dans sa troisième année avec au-delà de deux mille abonnés où une moyenne de 12,000 lecteurs: oui, mais tous ces abonnés n’ont pas tous songé à se demander de quel air nutritif le journal qu’ils lisent pouvait vivre, si l’on rappelle à leur souvenir qu’ils n’ont pas encore versé un seul sou à notre avoir. Un grand nombre ont payé, quelques-uns plus qu’on ne leur demandait, mais une autre partie semble croire qu’un journal peut vivre pendant plusieurs années de l’air du temps. Voilà une erreur et un cas de conscience. Le journal a besoin de tous les écus qui lui sont dus, et les abonnés sont obligés de payer régulièrement autant que faire est possible leur prix d’abonnement au journal qu’ils lisent. Un journal du format de L’EVANGÉLINE par exemple, représente un déboursé de plusieurs mille piastres par année. Cela s’explique à raison de la rareté des ouvriers et de la difficulté qu’il y a toujours dans un pays comme le nôtre de faire faire des impressions au jour le jour, ou à tant l’heure. Les abonnés retardataires sont en conséquence priés de se rappeler leurs obligations envers L’EVANGÉLINE et de nous faire parvenir aussi promptement que possible le prix de leur abonnement. Bien qu’on ne puisse se plaindre de la toilette typographique de L’EVANGÉLINE telle quelle, nous lui avons cependant fait venir une robe nouvelle dans laquelle elle vous fera visite au bout de quelques semaines. Ce nouveau costume est du genre petit romain vieux style comme celui d’aujourd’hui, mais il aura l’avantage d’être neuf et partant plus brillant. La quatrième page sera imprimée en types onze, même style. L’uniformité sera donc parfaite, et à part ces améliorations, nous avons fait l’acquisition d’une excellente presse mue par la vapeur. Nous aurons aussi une presse à bras, une petite presse à impressions et un couteau de relieur. Notre établissement sera fourni au complet de tout le matériel que nécessite un atelier typographique de premier ordre : nous nous attendrons en conséquence à une part raisonnable du patronnage du public en général. * * * En terminant, nos remerciements à tous ceux qui nous ont prêté mainforte jusqu’ici, et à tous ceux qui travaillent pour la cause acadienne en ce pays.