Sigogne Memorial

Newspaper
Year
1889
Month
9
Day
4
Article Title
Sigogne Memorial
Author
C. O'Brien
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
SIGOGNE MEMORIAL HALIFAX, 15 Août 1889. Mon cher monsieur Parker,—Pour plusieurs raisons, je n’ai pu vous écrire plus vite et vous exposer plus au long, mes vues relativement à la question du monument que l’on veut ériger à la mémoire de feu l’Abbé Sigogne, pionnier évangélique de la Baie Sainte Marie. Je n’ai pas besoin de vous dire que le projet rencontre mes vues, vous le savez déjà; et je ne puis que louer le mode d’exécution sur lequel on s’est arrêté avec un discernement digne de tout éloge, savoir : la fondation, par moi, d’une Académie pour les garçons dans le Comté de Digby. Je recommande donc avec chaleur ce projet à notre peuple, et je me berce de l’espoir qu’une entreprise si louable sera couronnée de tout le succès qu’elle mérite. Toutefois on devra comprendre que, comme supérieur ecclésiastique de cette Province, je tienne à ce que le temps et la manière de procéder à l’établissement d’une semblable institution soient laissés exclusivement à ma discrétion. Je ne laisserai pas échapper l’occasion de protester ici contre des assertions malveillantes, des prétentions exagérées et certaines idées fausses, qu’il est à propos, je crois, de rectifier. Je ne puis admettre pour un seul instant, que les facilités et moyens d’éducation aient été fournis plus parcimonieusement, et offerts de moins bon cœur à nos coreligionnaires acadiens qu’à ceux d’aucune autre nationalité. Toutes nos maisons de haute éducation qui ont été établies par les Evêques, ont ouvert leurs portes à tous les catholiques avec la même impartialité. Dans les choses qui regardent la religion et les avantages spirituels, nous ne pouvons admettre aucune distinction de race; nous ne sommes plus alors irlandais, ni écossais, ni acadiens, nous sommes simplement et purement catholiques. Nous pouvons, du reste, soutenir—et nous parlons ici en connaissance de cause—que la jeunesse acadienne peut recevoir, et a déjà reçu, dans nos collèges diocésains, une éducation qui ne le cède en rien à celle qu’elle pourrait obtenir dans n’importe quel collège de la Province de Québec. Les Acadiens n’ont pu, il est vrai, profiter de ces avantages que depuis un temps relativement assez court : et il ne faut pas en chercher loin la raison : peuple conquis, ils ont été dépouillés de leurs biens; abandonnés par la France, oubliés et délaissés par leurs nationaux du Canada, ayant naturellement en horreur tout contact avec leurs vainqueurs, ils faisaient société à part et ne formaient plus qu’une communauté tout-à-fait isolée : mais quand vient le temps où des Evêques furent consacrés pour ces Provinces, les fidèles Acadiens se réveillèrent pour entrer dans une ère de vie et de progrès. Des prêtres furent stationnés parmi eux, et des églises furent construites; ensuite vinrent les écoles, et après les écoles les couvents : de sorte que l’on peut dire en vérité que jamais peuple ne fut, dans un pays de missions, plus amplement pourvu des soins et encouragements de la religion, comme jamais peuple, non plus, il faut le dire, ne sut mieux que le nôtre apprécier de si grands bienfaits et profiter d’avantages aussi exceptionnels. Les “historiens," soit de France soit de Québec, qui, du bout de leur plume magistrale, dictent leurs devoirs aux pauvres Evêques “irlandais,” et qui, au lieu de leur accorder la part de justice qui leur revient de bon droit, s’étudient à les dénigrer et à les injurier, devraient au moins prendre la peine d’envisager honnêtement des faits historiques qui sautent aux yeux; après cet acte de loyauté vulgaire, ils pourront, si le cœur leur en dit, lancer leurs traits enfiellés, non contre des griefs qui n’existent que dans des imaginations de tête chaude, mais contre l'indifférence cruelle et persévérante de leurs compatriotes pour leurs frères acadiens dans les jours d’épreuve, d’affliction et de malheur. Sans aide, sans même trop de sympathie, de la part de la France ou de Québec, les Evêques des Provinces Maritimes pourvurent amplement aux besoins spirituels des Acadiens, renversèrent les barrières qui les tenaient isolés du reste de la population, mirent à leur portée, de bon cœur, sans parcimonie, dans la mesure de leurs ressources, tous les moyens possibles d’éducation, et parvinrent à faire d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui : une véritable puissance dans le pays, un peuple vertueux, loyal et intelligent. Et croira-t-on que ce peuple irait oublier ses meilleurs amis pour se laisser mener par des hâbleurs de politique flairant une brise de popularité, ou par des écrivailleurs à la brasse qui font provision de leurs “faits" dans les cancans en l’air d’une passée hâtive d’une course volante de touriste, et qui les habillent ensuite et les enguirlandent de fanfreluches à la gauloise qu’une imagination sottement exaltée leur supplie naturellement? Toutefois, si fertile qu’ait été l’œuvre du passé en heureux résultats tout n’est pas fait; et je veux bien reconnaître et envisager franchement les besoins de notre temps, lesquels me semblent requérir plus de moyens encore et plus de facilités que jamais pour l’éducation et l’avancement de notre peuple. De là vient que depuis plus de deux ans, je cherche des voies et des moyens pour l’établissement d’une Académie pour les garçons dans Clare. Si l’initiative que vous venez de prendre rencontre le support et l’encouragement qu’elle mérite, j’aurai par cela même acquis la meilleure preuve que le peuple reconnait comme moi les besoins dont je viens de parler. Dans l’espoir que vous rencontrerez tout le succès désirable, Je demeure, Mon cher monsieur Parker, Tout à vous in Xto C. O’Brien, Archevêque de Halifax.