Les Anciens Missionnaires de l’Acadie devant l’Histoire

Year
1910
Month
12
Day
1
Article Title
Les Anciens Missionnaires de l’Acadie devant l’Histoire
Author
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Page Number
1
Article Type
Language
Article Contents
Les Anciens Missionnaires de l’Acadie devant l’Histoire (Droits de reproduction réservés) (Suite) L’abbé de l’Isle Dieu au ministre Paris, le 18 novembre 1755. Monseigneur, Monsieur Kolly me fit remettre hier une lettre ouverte, et qui parait n’avoir point été cachetée, de monsieur LeLoutre, et il me mande qu’il en a envoyé copie à monsieur de la Porte, qui sans doute vous l’aura déjà communiquée. Ainsi j’ai cru inutile de vous en envoyer une nouvelle copie, mais j’y vois avec une grande douleur et une inquiétude égale pour le sort de notre cher missionnaire, qu’il a été reconnu et transféré du port de Plymouth dans celui de Portmourth à bord du vaisseau le Royal George, avec aussi peu de liberté qu’il en avait à Plymouth à bord du vaisseau l’Oxford. * * * Vous verrez par sa lettre, monseigneur, le traitement qu’on lui a fait dans les premiers jours qu’il est arrivé à Portmouth à bord du vaisseau le Royal George, et les démarches qu’il a faites pour avoir la liberté d’aller à terre. Vous verrez également, monseigneur, par la copie de la lettre de M. P. Simon, correspondant de monsieur Kolly, les notes qu’on a données à la Cour d’Angleterre contre monsieur LeLoutre. Permettez donc, je vous supplie, que je réclame en sa faveur de votre protection tout ce que les circonstances présentes vous permettront de faire pour lui. J’ignore encore s’il a reçu les 500 livres que vous lui avez accordées quoique j’eusse lieu de le présumer de sa dernière lettre. Mais il me parait que les correspondant de monsieur Kolly lui a adressé une lettre de crédit à Portmouth. Ayez-en pitié, je vous en conjure, monseigneur. On peut vous certifier de plus d’une part en ce pays ci qu’il a assez bien mérité de l’Etat et de la Religion pour n’être pas abandonné. Je suis, etc. L’abbé de l’Isle Dieu. L’abbé de l’Isle Dieu au ministre Paris, le 29 novembre 1755. Monseigneur, J’ai reçu hier soir une lettre particulière de Louisbourg en date du 26 octobre dernier, et qui m’est venue par St Malo, ce qui me fait juger qu’il y est arrivé un vaisseau venant de Louisbourg. Cette lettre m’annonce que nous n’avons plus de missionnaires dans l’intérieur de l’Acadie anglaise, c'est-à-dire dans la péninsule, et que trois, savoir MM. Daudin, LeChauvreux et Lemaire qui étaient à Port Royal et aux Mines, ont été enlevés et conduits à Chibouctou ou Halifax, sans qu’on ait pu avoir de nouvelles depuis. Il y en avait un quatrième nommé monsieur DesEnclaves dont on ne me parle point. Il avait quitté depuis deux ans Port Royal, et s’était retiré auprès de quelques habitants, Acadiens français, dans la partie de l’est, au cap de Sables. J’ignore ce qu’il est devenu. On me mande également que les Anglais ont chassé ce qui restait encore d’Acadiens français dans la partie de la péninsule qu’ils habitaient et qu’ils les ont réduits à la dernière misère. Ils auront apparemment substitué des colons et cultivateurs anglais, qui auront trouvé la nappe mise et qui auront pu profiter du travail et des cultivations de nos pauvres Acadiens français aussi bien que leurs effets morts et vifs. Il restait encore dans cette partie – suivant le dernier dénombrement qu’on m’en a envoyé – 6345 habitants. On m’ajoute que depuis que les Anglais se sont emparés de la rivière St Jean, où nous avions plus de 2500 habitants nouvellement établis sur de bonnes terres, ils en ont chassés les missionnaires, et qu’ils maltraitent beaucoup ces mêmes habitants. Le missionnaire qui était depuis quelques années chargé de 2897 habitants bien établis sur les rivières de Chipoudy, Pekoudiak [Petitcodiac] et Memeremcouk sous le fort de Beauséjour, a pris le parti de se retirer à Québec, sur la nouvelle qu’il a eue que les Anglais voulaient le faire arrêter. On me mande rien de l’ile St Jean, où nous avons, suivant les derniers dénombrements, plus de 3,000 habitants qui commencent à se bien établir en cinq paroisses qui ont chacune un missionnaire y compris celui du fort, nommé le Port LaJoye [Lajoie]. Il parait qu’on craint la disette à Louisbourg par le défaut de communication avec ceux de nos postes qui pourraient contribuer à son approvisionnement. Je n’ai point eu de nouvelles du pauvre monsieur Leloutre depuis le 10 du courant. Je le crois toujours à bord du vais eau le Royal George dans la rade de Portmouth, où je le crois fort mal traité suivant qu’il me le mandait par sa dernière lettre. Je sais, cependant, que sur les lettres de monsieur Kolly, monsieur P. Simon, son correspondant à Londres, lui a fait passer une lettre de crédit pour Portmouth, comme il en avait une ci-devant pour Plymouth. Je suis avec respect, Monseigneur, Votre très humble et très obéissant serviteur, L’abbé de l’Isle Dieu. FIN.